L’Art de vivre 100 ans
16 janvier 2014 Laisser un commentaire
Pour Maman, en attendant le 16 janvier 2034.
Que les temps sont changés !
Les historiens de toutes les époques nous montrent une décroissance permanente dans l’existence humaine.
Avant le déluge, la durée de vie des hommes dépassait presque toujours 900 ans. (Adam vécut 930 ans, Mathusalem 969 ans, Noé 950 ans, etc.) Ce fut la première période.
Après la catastrophe vint la deuxième période de longévité. Selon les Livres sacrés, le Créateur réduisit la vie de l’homme, à cause de ses méfaits. (N’eût-il pas été préférable qu’il changeât la nature mauvaise de sa créature !) Les mortels flottèrent successivement entre 200 et 400 ans, puis entre 100 et 200 ans. Pour ne citer que les plus connus : Abraham vécut 275 ans et Sarah 127 ans; Ismaël, fils d’Agar, 137 ans; Isaac,fils de Sarah 180 ans; Jacob, 147 ans; Joseph, 110 ans; Job, 217 ans; Amram, père de Moïse et d’Aaron, 137 ans; Moïse, 120 ans; Aaron, 110 ans.
La troisième période commence après Moïse, et la vie humaine subit encore une diminution. On lit : Psaume 89, verset 10 « Le nombre de nos jours est fixé à 70 ans; les rois seuls atteignent quelquefois 80 ans. »
En réalité, la moyenne ne dépassait pas 60 années.
On cite cependant un nombre relativement considérable de centenaires; entre autres : Démocrite, dont le miel était la principale nourriture, mourut à 104 ans; – Polémon trépassa à 97 ans d’un excès de rire, en voyant un âne venir s’attabler auprès de lui pour manger des figues; – Sophocle fut étranglé par un grain de raisin à 130 ans; – Cratinius mourut de chagrin à 100ans, en voyant un tonneau de vin, qu’il s’était promis de boire, défoncé, et la liqueur répandue; – Varron, qui écrivit plus de cinq cents volumes, vécut 100 ans; – Luceya, une comédienne, à 100 ans se faisait encore applaudir sur la scène.
La quatrième période commence à notre ère. La vie humaine continue à décroître d’une manière effrayante.
Les exemples de longévité portent principalement sur des personnages appartenant au clergé : des saints et des évêques. (Saint Antoine vécut 105 ans et son compagnon 110 ans.)
A la fin du siècle dernier, la moyenne de la vie était de 30 ans.
De 1800 à 1815, elle descendit au-dessous de 27 ans.
De 1817 à 1831, elle monta à 39 ans.
De 1840 à 1859, elle atteignit 40 ans.
De 1859 à 1866 elle a perdu du terrain; elle est redescendu à 38 ans.
Ce dernier résultat tient évidemment à l’épouvantable mortalité qui a sévi depuis quelques années sur les enfants en nourrice.
Vous voyez quelle dégringolade à pas de géants nous avons faite en cinq mille années; et quel rude chemin nous avons à faire si nous voulons tenter de revenir aux âges où les centenaires étaient réputés mourir à la fleur de l’âge.
Nous sommes sur la voie.
De temps en temps les journaux enregistrent quelques cas de longévité extraordinaires. Le nombre moyen des décès de centenaires est de cent quarante-huit chaque année en France. C’est un avertissement que la nature nous donne; du moment qu’il y a plusieurs centenaires, il peut y en avoir davantage, et l’exception doit pouvoir devenir règle générale.
Pour cela, nous n’avons qu’à raisonner nos actes et à nous mettre aux lois de l’hygiène.
N’écoutez pas le plaisant qui ne va pas manquer de s’écrier :
– Où il y a de l’hygiène, il n’y a pas de plaisir !
L’hygiène et le plaisir peuvent marcher de pair, pourvu qu’ils se fassent des concessions mutuelles.
Mais l’homme, plutôt que de raisonner ses actions, préfère s’en rapporter au médecin; c’est illogique. L’intérêt du médecin n’est-il pas d’avoir le plus de malade possible, puisque sa fortune, son existence en dépendent ?
Pour avoir tant fait que d’inventer le médecin, il fallait au moins s’en servir d’autre façon, comme en Chine, par exemple : Le médecin y reçoit de sa clientèle un traitement fixe dont le payement est suspendu dès que le client tombe malade et ne reprend que lorsque celui-ci est guéri.
Le médecin a donc tout intérêt à la santé perpétuelle des ses clients. Tout le monde y gagne.
Mais chez nous on ne semble avoir aucun souci de la logique; on est habitué à un système, et pour rien au monde on n’en changerait, fut-il le plus vicieux. L’habitude est bien une seconde nature.
On croyait autrefois, – Ptolemée, Origène, saint Thomas, saint Ambroise, Albert le grand, Cujétan, Scot, Cardan en étaient convaincus – que :
« La longue vie procède de certaines dispositions causées par la situation des planètes au moment de la naissance. »
Comme nous ne connaissons rien de positif au sujet des influences extra-terrestres, contentons-nous de nos propres observations sur nous-mêmes, suivons les préceptes que nous enseigne l’hygiène; et que tous ceux qui aspirent à une existence longue et exempte d’infirmités mettent en pratique les règles que nous allons tracer.
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CODE DE L’HYGIÈNE
De la nourriture
1° – Ne manger que pour vivre, et non pas jusqu’à être rassasié.
2° – Broyer parfaitement les aliments afin de faciliter la déglutition, l’assimilation, l’absorption des sucs nourriciers. Ce que les dents ne feraient pas, l’estomac serait obligé de le faire, et il en résulterait une grande fatigue d’abord, et ensuite une foule de pires désagréments.
3° – Éviter la profusion des viandes diverses et des différentes boissons.
4° – Dans un repas, alterner les aliments gras et les aliments maigres, les humides et les secs, les doux et les aigres, les froids et les chauds, pour qu’ils soient les correctifs les uns des autres.
5° – Ne manger de fruits nouveaux qu’en petite quantité d’abord, afin que l’estomac puisse s’y habituer.
6° – Agir dans le même sens quand, en changeant de pays, on change de nourriture et de boisson.
7° – La viande n’est pas un élément indispensable de la nourriture journalière; à preuve : Dans les campagnes, où précisément l’on consomme moins de viande que partout ailleurs, la moyenne de l’existence l’emporte de trois ans sur l’existence dans les villes.
8° – La nourriture la plus naturelle serait le lait, l’huile, le miel, les fruits et les légumes.
Pythagore (534 ans avant notre ère) défendait à ses disciples l’usage de la viande.
Les peuples d’Orient ne se nourrissent presque que de riz.
Les Islandais, Irlandais, Écossais n’usent guère que du laitage.
Les Arabes du désert se contente de dattes et d’huile.
De la boisson.
9° – Si l’on veut dormir sans rêves, sans cauchemars, il est nécessaire de couper son vin du double d’eau.
C’est ce que Plutarque appelle « Calmer les ardeurs de Bacchus par le commerce des nymphes. »
10° – Boire l’eau la plus pure possible, filtrée toujours, distillée s’il se peut, et rafraîchie avec de la glace. L’usage de l’eau glacée ou de la neige fondante a, dit-on, la propriété de tuer les vers du corps humain ou d’empêcher qu’ils se produisent.
11° – Éviter de boire de l’eau-de-vie ou des liqueurs après le vin.
12° – Sauf les cas d’exceptions qu’il importe de ne pas faire tourner en habitude, se contenter d’une demi-bouteille de vin par repas.
13°– Le choisir aussi naturel ou aussi peu sophistiqué que possible.
« Le vin est une seconde vie; il a été créé dès le commencement pour être la joie de l’homme, la joie et la santé de l’âme et du corps. » (Psaumes.)
Homère l’appelle le breuvage des dieux, et il ajoute que rien ne conserve mieux la santé.
Aristote conseille de n’user du vin qu’avec réserve et ménagement.
Amphion l’Argonaute ordonnait que le vin fût toujours coupé de moitié d’eau.
Platon disait : Pas de vin jusqu’à l’âge de dix-huit ans; – peu de dix-huit à trente; – raisonnablement de trente à quarante; – à volonté à partir de quarante ans.
Plutarque et Pline recommandent de se défier du mélange des vins, qui produit l’ivresse, laquelle n’est qu’une sorte d’indigestion.
14° – S’il arrive que l’on a trop bu, le mieux à faire est de grignoter un morceau de pain sec.
15° – Pour faire passer le hoquet, – qu’il provienne d’inanition ou de réplétion, – sucer du citron.
De l’exercice
16° – En sortant du lit, se vêtir pour éviter un refroidissement brusque.
17° – En rentrant du froid, ne pas s’exposer aussitôt au feu.
18° – Agir médiocrement, juste assez pour tenir le corps dans une activité raisonnable.
19° – Éviter de faire des exercices trop violents; aller jusqu’à la rougeur, jamais jusqu’à la sueur (ad ruborem, non ad sudorem).
20° – Vivre chastement, aussi raisonnablement que possible. « Si vous voulez vivre vieux – dit Sterne – il faut ménager votre âne. »
21° – Se faire transpirer trois fois par an : en automne, en hiver, au printemps.
La plupart de nos maladies proviennent d’obstructions; la transpiration rouvre les routes aux humeurs, aux déjections aqueuses et gazeuses. Les plus violentes maladies résistent peu aux transpirations réitérées.
22° – Le manque d’appétit se corrige facilement par une diète de vingt-quatre heures avec exercice de promenade (ne pas confondre jeune avec diète).
La diète ramène l’appétit; l’appétit médiocrement contenté fait renaître les forces : les forces contribuent à la santé : la santé prolonge la vie.
Diète et transpiration, repos et sommeil, voilà la médecine naturelle et universelle.
De la Médication
23° – Suivant le pays et les saisons, il est bon de se nettoyer deux fois l’an les intestins au moyen d’un régime frugal d’une quinzaine de jours, qui doit composer la majeure partie de la nourriture.
En Suisse, on a la médication au petit-lait.
En Italie, en Espagne, dans le midi de la France, il y a la cure aux oranges.
Sur le Rhin et en Suisse, dans quelques contrées de la France, c’est la cure aux raisins.
Il faut y adjoindre la cure aux cerises (cerises courte-queue) et la cure au miel nouveau.
24° – N’abusez pas du sucre dans les boissons.
Le sucre est, paraît-il, anti-prolifique. D’expériences faites sur des troupeaux de génisses nourries avec des résidus de betteraves, il résulte que leur faculté de procréer en est considérablement diminuée.
25° – Les maladies d’entrailles comptent leurs victimes par un chiffre de 10 pour 100 sur la totalité des décès dans les villes.
En dévoiler les causes, est-ce y porter remède ?
Disons donc que la source en est presque toute : – 1° A l’incommodité de nos vêtements; – 2° à la parcimonie avec laquelle sont distribués à travers les villes certains établissements d’utilité première et incontestable; – 3° au prix relativement assez élevé de la séance (15 centimes).
Dans les campagnes, aux champs, c’est à peine si l’on constate quelques rares cas d’entérite.
Donc, vous savez maintenant à quoi vous en tenir si vous voulez ne pas contracter de maladies d’entrailles si souvent mortelles.
26° – Prendre un bain chaud au moins une fois par mois.
27° – Changer de linge le plus souvent possible; ne pas garder un gilet de flanelle plus de huit jours, et se tenir les pieds chauds.
Des boissons alcooliques
28° – L’usage de l’alcool, en tant qu’eau-de-vie, est souvent utile pendant les temps froids et humides, surtout dans les pays brumeux du nord.
On l’emploie aussi à la dose de 60 à 80 grammes pour conjurer les effets de l’empoisonnement par les champignons.
29° – L’abus d’alcool, sous quelque forme qu’il se présente, et surtout sous forme d’absinthe, est pernicieux au plus haut degré.
Les malades par suite d’alcoolisme n’en réchappent jamais.
L’alcool, pour s’éliminer du corps humain, ne suit pas la route tracée par la nature pour tout autre liquide. Il ne peut pénétrer dans la vessie; la constitution de cet organe se refuse à lui livrer passage. Il reste donc dans l’économie, se décompose en partie dans les poumons au moyen de l’oxygène de l’air, qui le brule et le convertit en acide carbonique; le reste se répand dans tout l’organisme et s’échappe par les pores de la peau, produisant partout des désordres : diarrhée, insomnie, débilité musculaire, atrophie, enfin délire.
De l’usage du café
30° – Usons du café, n’en abusons pas. Il ne faut abuser de rien.
La mort a horreur du café.
Il n’en triomphe pas définitivement, mais il l’éloigne pour un certain nombre d’années.
Si Voltaire a gardé ses admirables facultés jusqu’à un âge si avancé, si Fontenelle vécut un siècle tout entier, c’est que tous deux prenaient du café. Aussi se sont-ils conservés exempts d’infirmités jusqu’à un âge où l’humanité presque toute entière devient tributaire de maladies irrémédiables.
Je ne cite que ces deux personnages, parce que tout le monde les connaît.
31° – L’homme décroissant physiquement, intellectuellement, dès qu’il ne croît plus; le café est le remède le plus efficace à apporter à cette décroissance, par un usage raisonné.
Grâce à lui, plus de congestions cérébrales, plus d’apoplexies foudroyantes, plus de gouttes, plus de ramollissements du cerveau.
Il y avait, dans ces derniers temps, en Bohême, des peuplades de misérables affectés de crétinisme, qui s’étiolaient et dépérissaient à vue d’oeil; le gouvernement leva l’impôt qui pesait sur le café, et ces populations sont devenues depuis les plus belles et les plus robustes.
32° – Le café est un désinfectant, il annihile et détruit les miasmes fétides. Exemple :
Cinquante fumeurs, parqués et entassés dans un estaminet clos, comme des moutons dans une bergerie, fumant pendant des heures les tabacs les plus infects, comment ne sont-ils pas asphyxiés, ou, tout au moins empoisonnés? C’est grâce au café. L’arôme qui s’échappe des demi-tasses brûlantes neutralise les miasmes humains et les odeurs délétères du tabac.
De l’usage du tabac
33° – Usons du tabac, si cela nous plaît, mais n’en abusons jamais.
Jadis on a dit : Le café est un poison. Et depuis deux cents ans nous continuons à nous en abreuver voluptueusement.
Ce qu’on a dit à tort du café, on le dit actuellement du tabac. Eh! Il en est du tabac comme toutes choses, même les meilleures; du moment qu’il y a abus, il y a faute.
Il ne s’agit que de savoir régler et limiter sa consommation d’après son tempérament. Les lymphatiques sont généralement indemnes de toutes conséquences fâcheuses.
Les médecins tabaccophobes lui mettent sur le dos toutes les maladies, toutes les infirmités, ou à peu près; il y a dans cette accusation une énorme exagération. Tout le monde a pu connaître des croyants au spiritisme, aux tables tournantes et autres balivernes, qui n’usaient de tabac sous aucune forme; ce n’est donc pas le tabac qui a détruit chez eux le sens moral et le sens commun.
34° – Le tabac n’est pas une mode, c’est un besoin.
Chose singulière : en même temps que la consommation du tabac se développait la moyenne de la vie humaine augmentait. Je ne veux tirer aucune déduction, je fais un simple rapprochement.
Somme toute le tabac est venu en son temps, comme le café, comme tout ce qui se produit de nouveau. Le jour où sa raison d’être n’existera plus, le goût du tabac tombera de lui-même.
Du logement
35° – La chambre à coucher ne doit jamais être exposée au nord, ni située au rez-de-chaussée, ni carrelée.
36° – La position du lit doit toujours être dans une de ces deux directions : La tête au Nord ou à l’Est, les pieds au Sud ou à l’Ouest.
37° – Il importe que chaque jour la toilette de la chambre soit faite toutes fenêtres ouvertes, et que lit soit aéré complètement.
38° – Proscrire impitoyablement matelas de plumes et édredons.
Quand à l’édredon, ne s’en servir que dans les cas urgents, c’est à dire de grand froid, à la condition de l’enlever du lit dès qu’on en est sorti, et de ne le reprendre qu’au moment de se coucher.
39° – Le lit conserve toujours une humidité malsaine provenant de la transpiration du corps; l’édredon dont on a l’habitude de le recouvrir s’oppose à l’évaporation de cette humidité remplie d’animalcules microscopiques, et le lit devient ainsi un nid à fièvres, à gouttes et à rhumatismes.
L’édredon et le lit de plumes sont des meubles mortels, ou tout au moins très dangereux.
40° – Etc., etc., etc.
L’homme soigneux de sa santé et qui tient à devenir centenaire complétera facilement lui même la série des règles hygiéniques en réfléchissant et en se rendant compte des causes des indispositions où des maladies qui peuvent survenir.
L’homme doit être à lui même son meilleur médecin.
Sur ce, lecteur, garde-toi toi-même, si tu veux vivre cent ans : experto crede…
UN FUTUR CENTENAIRE.
Source : L’Art de vivre 100 ans – Journal l’ÉCLIPSE – 1869.
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