Nancy bombardée !
1 janvier 2014 2 commentaires
Ce qu’on dit
et
Ce qu’on fait à Nancy
Samedi 1er janvier 1916. – Il et cinq heures du matin. Il fait noir et il pleut, avec un vent chargé d’humidité et qui pleure. On s’éveille lentement à cette heure matinale. Pourquoi ? Pour les habituels souhaits du Nouvel-An, aux êtres chers qui sommeillent encore autour de vous, pères, mères, époux, épouses, enfants, frères et sœurs.
Et soudain, une formidable explosion qui fait trembler et résonner les vitres.
Singulière aubade du 1er janvier 1916 ! C’est sans doute un Zeppelin qui vient faire des siennes sur Nancy endormie.
Et puis soudain d’autres détonations qui fulgurent dans le ciel noir, des crépitements, des fusées rouges, blanches, dorées et vers l’est de la cité, une immense lueur rose d’incendie.
C’est terrible et grandiose à la fois, si terrible que l’on songe aussitôt à se lever et s’habiller en hâte et à se réfugier dans les caves ; si grandiose qu’on est à se demander quel sinistre étrange et diabolique vient encore transfigurer l’horizon nancéien.
Et c’est à chaque instant un nouveau crépitement, de nouveaux éclatement, des bombes ou des munitions qui sautent. Les uns disent : c’est un dépôt de luciline qui a pris feu ; les autres : c’est un avion ennemi ; les troisièmes : c’est un incendie tout fortuit allumé sans motif de guerre.
Parfait ! Une heure après, l’on remonte… le jour naît, pâle et gris, le premier Jour de l’An 1916.
Chacun vaque à ses occupations coutumières. Sur les neuf heures, les cloches des quatorze paroisses de Nancy appellent les fidèles aux offices solennels. C’est la fête, la fête de l’An neuf, la fête des souhaits et des vœux familiaux.
Et de nouveau, un bruit sec, un féroce éclatement. C’est un Taube, dit-on, caché dans les nuages. Nouvel émoi. Dix minutes après des avions français vont, viennent dans notre ciel, avec leurs halètements d’hélice. Et en même temps, un second projectile tombe, avec le même bruit sec, la même précision de tir.
C’est étrange. Ce Taube nargue donc nos vigilants aviateurs. Dans les églises, la panique grandit. On se sauve, qui dans les cryptes, qui dans les maisons voisines.
Plus de doute… ce n’est pas un Taube… c’est autre chose, mais quoi ?
Serait-ce un bombardement de notre chère ville de Nancy ? On se refuse encore à y croire… et pourtant ! Pourtant, il faut se rendre enfin à l’évidence… les coups deviennent plus terribles, moins espacés. C’est la foudre qui gronde… foudre humaine, produit de la sauvagerie austro-allemande.
Une pièce à longue portée bombarde.
Et cela dure jusqu’à 11 heures et demie.
Puis brusquement, plus rien. Les gens sortent, allant aux nouvelles… les rues renaissent à la vie, à l’espoir. Et bientôt, l’on apprend qu’il y a des dégâts considérables.
Une poussée de vie se produit, énorme… les magasins se rouvrent… et l’on va, l’on va voir
Et je pense à cet imbécile d’empereur autrichien qui lira demain dans les communiqués austro-boches l’odieux bombardement de la capitale de ses ancêtres et qui ne pensera même plus à l’église lorraine des Cordeliers, au Palais ducal de René II et d’Antoine, à l’église de Saint-Epvre, lapidée par les affreux Zeppelins de son terrible allié de Berlin.
François-Joseph bombardant Nancy le 1er janvier 1916 ! Quelle vision d’outre-tombe pour Antoine qui battit les rustauds allemands, pour Charles IV et pour Charles V surtout, le vainqueur des Turcs et le sauveur de Vienne, avec l’immortel Sobieski de Pologne ! Quel historien futur burinera cette journée fatidique de Nancy brutalisée par les obus austro-boches !
Extrait de : 1914-15-16 ! PAGES DE GUERRE – Écrites au jour le jour – Fascicule soixante-seizième (du 1er au 10 janvier 1916)
Bonjour, je voudrais savoir qui a écrit ce texte. Merci
Bonjour Pascale,
Il faudra que je recherche dans l’extrait indiqué au bas de l’article, mais je ne pense pas que l’auteur soit indiqué.